Faire face à

L’expression veut souvent dire être aux prises avec

Faire face à un problème, selon les dictionnaires, c’est affronter ce problème avec détermination. La devise de Georges Guynemer, célèbre pilote de guerre français mort au combat durant la Première Guerre mondiale, était « Faire face ». Mais au Québec et en France, sous l’influence de l’anglais to be faced with, l’expression faire face à a fini par prendre le sens de se heurter à ou être confronté à. La tournure face à xyz (ex. « Face à la colère populaire, il a dû démissionner »), qui n’est pas un anglicisme, s’est également imposée dans l’usage.

Les Échos, 28 septembre 2016 :

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Délice, amour et orgue

Des délices peuvent être succulents

Les amateurs de complications grammaticales aiment répéter que délice est masculin au singulier, mais féminin au pluriel. Or, il n’en est rien. On trouve régulièrement ce nom au masculin pluriel, au Québec et en France. La forme au féminin pluriel (ex. des délices succulentes) est une coquetterie grammaticale chère à quelques puristes, sans plus.

Pour ce qui est du mot amour, il arrive encore que certains poètes le mettent au féminin pluriel (ex. leurs amours tumultueuses). Quant au mot orgue, il est féminin aujourd’hui uniquement dans l’expression les grandes orgues.

Adopter un profil bas

Une image qui s’est imposée rapidement

L’expression adopter (ou conserver, garder, etc.) un profil bas, courante au Québec et en France, est entrée dans l’usage depuis des décennies. Le Larousse en ligne ne la signale même pas comme un anglicisme. La forme faire profil bas est répandue aujourd’hui en France pour décrire le comportement d’une personne ou d’une organisation qui évite d’attirer l’attention sur elle.

Repartir à zéro

L’expression est tout à fait admise aujourd’hui

On dit très correctement repartir à zéro, reprendre à zéro ou recommencer à zéro. Ces expressions, longtemps dénoncées par les grammairiens (qui préféraient repartir de zéro, etc.), sont clairement entrées dans l’usage. Cependant, l’expression partir à zéro est encore critiquée par certains puristes. Mais elle finira sans doute par s’imposer, elle aussi, par analogie.

Prérequis

Admis aujourd’hui au Québec à côté de préalable

Le mot prérequis a été dénoncé pendant des années au Québec, notamment dans le milieu de l’enseignement, parce qu’il vient de l’anglais prerequisite. Il fallait dire un préalable, terme normalisé par l’Office québécois de la langue française dès 1982, mais peu utilisé en Europe. Or, l’Office estime maintenant que prérequis (ou cours prérequis) « est conforme au système du français », tout comme le vaillant préalable (ou cours préalable).

Solutionner

Les puristes aiment détester ce mot

L’Académie française le juge « long, lourd, plutôt disgracieux ». Il est pourtant semblable à quantité de verbes respectables comme collectionner, impressionner ou ovationner. Selon le Grand Robert, solutionner est attesté pour la première fois en 1795, pendant la Révolution française, mais il commence à se répandre seulement un siècle plus tard. Il est évidemment plus facile à conjuguer que résoudre. Mais il n’a jamais chassé ce dernier, et les deux cohabitent en bonne intelligence.

Contrôle

Certains sens anglais du mot sont installés en France

Le mot contrôle a pris en France certains sens qui sont encore dénoncés au Québec comme des anglicismes. Par exemple, on lit couramment dans les médias français qu’un feu est « sous contrôle » (plutôt que maitrisé ou circonscrit) ou qu’il est « hors de contrôle ». On y trouve aussi l’expression « contrôle des naissances », recensée par le Robert et le Larousse, plutôt que des termes comme régulation, limitation ou planification des naissances. Les autres emplois du mot contrôle (vérification, inspection, etc.) restent les mêmes des deux côtés de l’Atlantique.

Désormais, dorénavant

Les deux mots sont tout à fait synonymes

Des puristes ont tenté en vain d’établir une nuance de sens entre ces mots très anciens. Par exemple, certains ont soutenu que dorénavant a une connotation plus négative ou administrative. De son côté, l’Académie française affirme à tort que désormais et dorénavant signifient uniquement « à partir de ce moment-ci » et ne peuvent donc s’appliquer qu’à des évènements futurs. Or il est tout à fait correct d’écrire, par exemple : « L’entrée était désormais interdite. »

Éligible

Employé en France dans un sens encore critiqué au Québec

Au sens de « ayant droit à » ou « remplissant les conditions pour » (ex. de nombreux foyers sont éligibles à ce service), le mot est honni depuis longtemps comme un anglicisme au Québec, où l’on préfère généralement le terme admissible. En France, il est néanmoins répandu dans les médias et figure même dans certains dictionnaires, dont le Petit Robert. L’Académie française a dénoncé l’emploi d’éligible en ce sens, dans un billet de 2013. C’est une indication certaine de sa large diffusion en France.

Dimension

Une extension de sens saine et normale

À la fin de l’article dimension de son dictionnaire, l’Académie française écrit : « L’emploi figuré de dimension prend une extension exagérée dans la langue contemporaine. On peut à la rigueur admettre la dimension historique d’un évènement, mais il convient d’éviter cet emploi dans tous les cas où il ne s’agit pas d’une mesure, mais d’un aspect, d’une portée. » Franchement!

Approcher au sens de pressentir

Courant maintenant au Québec et en France

Depuis des décennies, les médias du Québec et de la France, sous l’influence de l’anglais, utilisent le verbe approcher au sens de « pressentir » (ex. Il a été approché pour la présidence). Dans ce sens, le mot est maintenant consigné dans le Larousse en ligne, mais pas encore dans le Petit Robert. C’est une question de temps.

Le Monde, 26 mai 2011 :

Le Monde, 26 mai 2011.png

Drastique

Répandu en France, mais moins au Québec, au sens de « draconien »

L’adjectif drastique a été longtemps dénoncé parce qu’il venait de l’anglais et que les puristes l’utilisaient uniquement pour qualifier des purgatifs. Aujourd’hui, il est admis dans le Dictionnaire de l’Académie française au sens de « très rigoureux, très contraignant ». Il rencontre plus de résistance au Québec.

Je m’excuse

Tout à fait correct, au Québec et en France

Quelques puristes, et même le Petit Robert, soutiennent encore qu’il faut dire excusez-moi ou veuillez m’excuser plutôt que je m’excuse, sous prétexte qu’une personne bien élevée ne doit pas s’excuser elle-même. C’est une question de mœurs et de bienséance plutôt que de langue. Le baisemain est moins courant aujourd’hui qu’il y a un siècle.

Plusieurs

Québec : un grand nombre. France : un certain nombre

Le mot plusieurs au Québec renvoie généralement à un nombre imprécis, mais assez important, de personnes ou de choses. Dans les médias québécois, par exemple, un évènement tragique qui fait « plusieurs victimes » est considéré comme relativement grave. Le dictionnaire Usito note que « cet emploi est vieilli en France ». Malgré les protestations de quelques puristes, plusieurs au sens de « grand nombre » fait partie de l’usage standard d’aujourd’hui au Québec.

Ovation debout

Québec : ovation debout. France : standing ovation.

Certains puristes québécois aimeraient remplacer l’expression ovation debout par le mot ovation tout court, qui ne rend cependant pas clairement l’idée d’une foule enthousiaste applaudissant debout. En France, pendant ce temps, l’expression standing ovation, prononcée plus ou moins à l’anglaise, continue de faire son chemin.

Soi-disant

Un bon baromètre du purisme

Est-il logique d’écrire qu’une loi a été adoptée « soi-disant pour stimuler l’économie »? Bien sûr que non. Mais les tournures de ce genre avec soi-disant sont clairement entrées dans l’usage depuis fort longtemps, malgré les récriminations de certains traditionalistes. L’Office québécois de la langue française y consacre une fiche intéressante.

Apprécier

Un verbe injustement critiqué

Les puristes québécois admettent des phrases comme Nous apprécions votre aide ou Nous apprécierions votre discrétion dans cette affaire. Par contre, ils rejettent des constructions comme apprécier que + verbe au subjonctif (ex. J’apprécierais qu’on m’avertisse) ou apprécier + verbe à l’infinitif (ex. J’apprécierais vous rencontrer; à noter qu’en France, on ajoute généralement un de : J’apprécierais de vous rencontrer). Pourquoi ces dernières tournures avec apprécier sont-elles mal vues? Parce que ce sont des calques de l’anglais, répondent les puristes, sans toutefois étayer leurs dires. Les expressions en cause sont répandues aujourd’hui des deux côtés de l’Atlantique.

Compléter

L’Académie française admet compléter un document

L’expression compléter un formulaire a longtemps été considérée comme un calque évident de l’anglais to complete a form (au lieu de remplir un formulaire), surtout au Québec. L’Académie française dénonce plutôt l’utilisation du verbe renseigner, plus répandue en France qu’au Québec en parlant de formulaires. L’Académie recommande même de dire compléter un document plutôt que renseigner un document. À chacun sa « faute ».

Site web de l’Université Paris-Sorbonne :

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